lundi 16 avril 2018

Challenge Manga Suki : Mars
Partie I



On se retrouve de nouveau en ce moi d'avril (sic, que le temps passe vite et que je ne suis pas douée avec les deadlines...) avec les textes de plusieurs lecteurs qui se sont réunis pour nous parler de l'environnement dans les mangas. 

Voici une première fournée de textes qui donneront l'envie de se mettre au vert... 

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offre également un voyage entre les pages de Animeland...


Si le mois de mars est synonyme de l'arrivée du printemps, il est aussi tristement lié à l'anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Lorsque le thème de l'environnement a été évoqué pour le Challenge Manga Suki, je me suis donc mis en tête de choisir un manga évoquant le nucléaire ou directement influencé par la tragédie. Mais les beaux jours arrivant, mon besoin de nature m'a fait me pencher vers un manga vert. C'est pour cela que j'ai choisi Petite Forêt qui, comme son titre ne l'indique pas, est en réalité une série culinaire.

Avant de pondre des chefs d'œuvre tels que Sorcières ou Les Enfants de la Mer, Daisuke Igarashi s'est fait connaître avec un récit bien plus intimiste. Très inspiré de sa propre vie, l'auteur met en scène Ichiko qui, après avoir rompu avec son petit ami, retourne à Komori. Dans ce village de campagne situé au nord du Japon, elle va vivre seule et de manière autonome. Chaque épisode de Petite forêt nous présente une recette que réalise la jeune femme. Si le cœur du manga se situe dans la cuisine, ce n'est pas ce que j'en retiens. D'ailleurs, très honnêtement, rares sont les plats présentés à m'avoir fait saliver.

Il y a donc deux choses primordiales dans l'œuvre de Daisuke Igarashi, et la première d'entre elles consiste à nous présenter un mode de vie alternatif. Éloigné du rythme et des pré-occupations urbains, son manga nous montre le monde sous un autre angle, avec une autre mentalité. Rapprochant l'humain de la nature, l'auto-gestion occupe une place importante dans la vie d'Ichiko. Son quotidien est rythmé par ses besoins : elle doit couper son bois pour se chauffer, déblayer la neige devant chez elle ou encore bien évidemment se préparer à manger. Pour ses plats, elle compte davantage sur ce qu'elle cultive que sur ce qui est proposé à l'épicerie du village. Le petit bout de femme nous présente alors ses recettes au fil des saisons en fonction des produits du moment. Sa vie est en quelque sorte dictée par la nature, de ses bienfaits à ses caprices. L'intérêt réside donc en ce mode de production biologique et écologique, mais aussi aux questions qu'il soulève. Déjà, le rythme de vie est différent de celui de la ville. On ne vit pas au jour le jour, il est nécessaire de prévoir ce que l'on va manger sur le long terme, jusqu'à un an à l'avance. Le temps que les récoltes poussent, que les produits fermentent, c'est une vision à long terme de notre quotidien qui est prônée. Ensuite Daisuke Igarashi nous convie à nous pencher sur les merveilles de notre monde, et à prendre le temps de les observer. Que ce soit une buse qui survole un champ, un renard qui s'enfonce dans la forêt, une fleur qui éclot, la neige qui change le paysage ou bien un clair de Lune qui s'efface pour laisser place à la profondeur de la nuit, la nature est fantastique. Petite forêt nous rappelle sans cesse que ces détails sont si beaux qu'ils sont essentiels.

Le second point primordial mis en avant au sein du manga est l'indépendance. Bien sûr, on parle de mode de vie avant tout, le quotidien d'Ichiko étant géré par ses propres productions. Mais il est aussi important de souligner l'indépendance en tant que personne de cette jeune femme qui vit seule dans la campagne. Mine de rien, il s'agit d'un récit introspectif tant chaque plat nous plonge dans les interrogations de sa protagoniste. C'est surtout son rapport à sa mère qui y est développé, Ichiko ayant été abandonnée dans son adolescence par celle-ci. En se remémorant des recettes en lien avec elle, la jeune femme comprend peu à peu les sentiments maternels et ce qui l'a poussé à cette décision. Le personnage principal se questionne également sur son retour Komori, en se demandant si elle y restera ou non. Elle semble chercher quelque chose, ou alors se fuir elle-même, et c'est dans sa proximité avec la nature qu'elle commence à entrevoir des réponses.

Servi par des dessins invitant quiconque qui s'y plonge à s'évader, Petite forêt s'impose comme un délicieux plat de saison. Par ses messages et la force de sa protagoniste, le manga invite à réfléchir sur soi-même et son mode de vie. L'œuvre de Daisuke Igarashi a donc bien des saveurs qui se mélangent sur notre palais de lecteur, et c'est ce qui la rend si succulente. Par ailleurs Petite Forêt se déguste au rythme prôné par la vie rurale, c'est à dire en prenant son temps d'apprécier les épisodes sans les enchaîner.

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Depuis que j’ai lu Double Je de Reiko Momochi j’avais prévu de découvrir son Daisy, lycéennes à Fukushima et le thème du mois de mars du challenge a été l’occasion de m’y mettre. Comme avec son titre précédent, la mangaka aborde des sujets difficiles qui m’ont arraché des larmes à plusieurs reprises. Impossible en effet de rester de marbre face à cette histoire qui s’inspire de témoignages réels des jeunes de Fukushima.

Daisy désigne le nom du groupe de musique de quatre lycéennes que l’on suit quelques mois après le séisme. Elles réagissent chacune avec leur personnalité et leur sensibilité aux suites de la catastrophe. Autour d’elles, une ville traumatisée, qui n’ose plus laisser ses enfants jouer dehors, s’affole à chaque averse, garde les yeux rivés sur les dosimètres. Les retombées économiques sont également énormes, obligeant nombre de familles à lutter d’une façon ou d’une autre pour subsister à leurs besoins.

L’une des questions qui revient le plus se résume ainsi : partir ou rester ? Il n’y a aucune bonne réponse, quitter la préfecture pour se mettre en sécurité et retrouver un emploi ou rester dans son pays natal pour le reconstruire, chaque choix est compréhensible et douloureux.

Dans le tome 2, Fumi étend sa conscience de la portée de la catastrophe nucléaire en découvrant la vie des réfugiés. Ces derniers vivaient au plus près de la centrale et ont tout perdu. Peu à peu la jeune fille comprend jusqu'où les vies qui l’entourent - et pas seulement celles de ses proches - sont impactées, leur sentiment d’être abandonnées par les autorités, les discriminations auxquelles elles doivent faire face.

Ce débat écologique est approfondi par les textes qui se trouvent en fin de volume. L’état des lieux sur la vie à Fukushima 3 ans après la catastrophe m’a de nouveau tiré des larmes, les informations sur le nucléaire m’ont donné matière à réflexion. Un titre important pour comprendre comment la vie quotidienne d’habitants d’un des pays les plus développé au monde a été bouleversée le 11 mars 2011.


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L'oeuvre dont j'ai décidé de vous parler ce mois-ci est La forêt millénaire de Jiro Taniguchi ! Il s'agit d'un auteur que j'affectionne beaucoup et de son ultime oeuvre qui restera malheureusement à jamais inachevée.

Un très gros séisme a fait trembler la région de San'in et des mouvements de terrain ont provoqué l'émergence d'une ancienne forêt disparue. C'est le début des vacances d'été et Wataru, 10 ans, est forcé d'emménager chez ses grands-parents dans un petit village au cœur de la montagne. Très vite Wataru réalise qu'il perçoit des murmures en provenance de la forêt et des êtres qui la peuplent.

Jiro Taniguchi a le don de créer des œuvres au charme incomparable, qu'elles soient poétiques et rêveuses ou bien très réalistes. Ses personnages sont si profondément humains qu'il me semble impossible que vous ne sachiez pas trouver dans sa bibliographie des titres qui vous touchent en plein cœur. Il a créé de nombreuses œuvres incontournables dans lesquelles les thèmes de la vie quotidienne, des relations humaines et des relations des hommes aux animaux et à la nature sont ceux qui ressortent le plus souvent.

Avec La forêt millénaire, il s'agissait pour Jiro Taniguchi de créer une oeuvre qui lui tenait beaucoup à cœur. C'est sans doute la raison pour laquelle il a situé le récit dans sa région natale, à l'époque où lui-même était enfant. Son souhait au travers de cette oeuvre était de transmettre, d'abord aux enfants mais aussi aux plus grands, la nécessité d'une relation harmonieuse entre les êtres humains et la nature.

Suite au décès de l'auteur, La forêt millénaire qui devait initialement compter plusieurs volumes est paru aux éditions Rue de Sèvres sous la forme d'un volume unique. Il s'agit d'un très bel ouvrage, tout en couleurs. Il est composé du premier tome du récit et d'annexes très intéressantes dans lesquelles on trouve notamment des informations détaillées sur l'origine du projet (avec interview de l'éditeur japonais) ainsi que des croquis. Parce que le storyboard du second tome était déjà terminé, des événements de la suite du récit sont partagés également.

Ce n'est, à mon sens, pas l'œuvre avec laquelle il est recommandé de découvrir l'auteur, par contre je la recommande chaudement à tous ceux ayant un attachement au reste de sa bibliographie. Je me répète mais l'ouvrage est magnifique et les suppléments sont passionnants. Ce livre constitue un très bel hommage à ce grand auteur.

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Dans le quartier, Iberico Pork s’est donné pour mission de nettoyer les rues… au sens propre. Menée par son leader Irie, surnommé Iberico, cette bande de lycéens ramasse les déchets, participe au recyclage et sait se montrer très convaincante pour empêcher les gens de jeter leurs ordures n’importe où. En fait, le petit groupe a quelque peu tendance à effrayer les habitants. Mais Tsubaki n’est pas du genre à se laisser intimider. Quand on vient s’en prendre à lui pour des détritus tombés par terre, la discussion manque de tourner à la bagarre. Heureusement, Iberico vient calmer les choses et propose à Tsubaki de s’expliquer dans un restaurant.

Leur première rencontre nous permet de découvrir les origines du comité Iberico Pork. Irie a commencé par ramasser les déchets seul, tout en remettant à leur place les gens malpropres. Même si cela lui a valu quelques coups, son attitude lui a surtout permis de rassembler des jeunes gens décidés à l’aider. Patrouiller en groupe est devenu un moyen efficace pour éviter les agressions et donner à leur discours écologique un côté plus percutant.

Par la suite, Tsubaki et Irie continuent de se fréquenter : ils mangent parfois ensemble, ils se battent, ou plus exactement Iberico apprend quelques trucs à son nouvel ami. Et, comme on pouvait s’y attendre dans un BL, ils tombent amoureux l’un de l’autre. Leur romance connaît plusieurs péripéties, mais ils finissent par trouver leur petit nid douillet, en bois recyclé évidemment. Après un premier happy-end, la série se concentre sur Yoshimune et Genji, gardes du corps d’Iberico et responsables des plastiques et des déchets recyclables.

A force d’entendre certaines rumeurs sur son collègue, Gen se sent de plus en plus attiré par Yosshi. Lorsque ce dernier lui demande d’éloigner de lui un jeune homme amoureux en se faisant passer pour son petit ami, Genji croit toucher le fond. Incapable de dissimuler ses sentiments, il n’est pourtant pas repoussé par Yoshimune. Mais s’il semble d’accord pour coucher avec lui, Yosshi garde son coeur bien fermé. Gen n’aura pas trop de deux tomes et demi pour vaincre les résistances et le lourd passé de celui qu’il aime, et goûter enfin à un bonheur mérité.

Iberico Pork est un manga plein d’humour, jalonné de petites phases de délire comme la séance de bowling, les dernières révisions des terminales ou les poses prises par Irie et Tsubaki, perdus dans leur nuage d’amour. Les pages sont émaillées de dessins rappelant la vocation première de la bande, à savoir l’entretien des rues. Ici, Iberico réprimande sévèrement un individu ayant sorti sa poubelle de combustibles le mauvais jour. Là, il entasse des ordures, armé d’une pince pour attraper les déchets, tandis qu’un de ses comparses transporte un sac. Plus loin, l’un des membres du personnel du lycée demande à Genji d’aller chercher Yoshimune, car les gens chargés du ramassage des déchets recyclables veulent leur parler.

Ces nombreux détails donnent une saveur particulière à ce BL. Ils rendent le récit plus vivant, l’inscrivent dans la vie quotidienne avec ses plaisirs et ses corvées. L’existence ne se résume pas à l’amour, elle est aussi faite de cours, de repas, de vacances, de moments de rigolade et de poubelles à vider. Iberico Pork sait aborder l’écologie d’une façon légère, humoristique et comme une chose au fond banale, pouvant s’intégrer à n’importe quelle vie.

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Pour ma première participation au #ChallengeMangaSuki du mois d'avril basé sur l'environnement, il me sonnait comme une évidence de parler d'un titre que j'affectionne particulièrement : Ma vie dans les bois de Shin Morimura (Éditions Akata). 

Même si l'écologie n'est pas leur première fois (Les Pommes Miracles notamment), Akata, éditeur qui prône la diversité en regard de son catalogue et de ses labels, continue de surprendre. Ma vie dans les bois est de ces titres sur lesquels on ne va pas parier un kopeck ou qui ne fait pas partie du panorama habituel ne serait-ce qu'en terme d'esthétique mais qui pourtant n'a rien à envier et beaucoup à apporter.

Le manga de Morimura est un plaidoyer pour la vie à la fraîche. Celle qui ne pèse par sur les épaules. Ma vie dans les bois est un récit autobiographique. L'auteur lui-même héros de son aventure jusqu'alors mangaka urbain décide de sortir de la capitale bétonnée pour s'acheter un bout de terrain en campagne afin d'y faire son nid. Ambitieux mais pas impossible pour celui qui n'hésitera pas à se retrousser les manches pour convaincre sa femme de le suivre dans sa démarche.

En ce qui me concerne en trois volumes j'ai été définitivement conquis. Chaque petit pas dans son travail est partagé avec tous les détails possibles et imaginables comme s'il s'agissait d'un guide qu'il souhaite partager à ceux désireux de faire la même. On suit avec plaisirs ses succès et ses déboires face à une nature pas si évidente à épouser. On est également témoin de l'affection de ses éditeurs qui voient d'un bon œil sa démarche et décidant de lui donner sa chance. 

Au delà des enseignements qu'il met sur la table Shin n'hésite pas à mettre en avant le lien fondamental qu'il établit avec la nature qui lui permet toutes ces prouesses. Qu'il s'agisse de recycler ses ressources et de respecter ce qu'elle lui offre.

Ma vie dans les bois figurait déjà partie mes coups de cœur l'an dernier et continue de m'émerveiller par l'ingéniosité et le capital sympathie qu'il suscite.



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Il fait chaud. Très. Las, Chinami, membre du club de natation, doit supporter un entraînement d’athlétisme. Les autres collégiens se plaignent aussi. Ça n’attendrit pas le professeur tortionnaire : Courez ! Chinami court. Elle commence à voir flou. Elle s’évanouit.

La jeune fille se réveille dans un étrange village, comme enfermé dans les eaux. Tout est calme et beau. Silencieux. Le village n’est habité que par un vieil homme et un garçon. Chinami semble les connaître. Sous l’eau, tout lui paraît plus proche et plus lointain. Un pas dans le passé, l’autre dans le présent. Une main serrant celle du petit garçon dans la rivière, l’autre, lancée désespérément dans le vide de demain.

L’écologie et la politique, à jamais incompatibles ? L’on connaît les méfaits de l’action humaine sur la nature ; déforestations et autres modifications topographiques la contraignent. Elle tousse, s’époumone, vomit. Ce sont les tornades, les cyclones, les tremblements de terre. Mais, a-t-on le choix ? Les révolutions industrielles ont permis un véritable boom économique. A quel prix ? Combien de villages, comme celui d’Underwater, sacrifiés, sur l’autel de la fatalité et du progrès technique ?

J’ai découvert la très belle œuvre de Yuki Urushibara (Mushishi) avec Underwater. Le dessin est doux. Le rythme, lent et mélancolique, invite à l’introspection. A travers l’histoire familiale de Chinami, le titre nous interroge. Faut-il toujours détruire pour avancer ? Quand le politique voit d’en haut, en termes macro-économiques, Chinami et les siens voient à leur hauteur : le village déserté, abandonné sous les eaux. La famille dévastée. La marche forcée vers la ville. Mais il n’a rien demandé, lui, le pauvre village. Et l’eau était présente avant nous. Il y a certainement un moyen de s’arranger. Préserver l’araignée et le papillon n’est pas si utopique.

Avec Underwater, Yuki Urushibara nous parle d’écologie, sans hargne. Le sujet soulève de tels débats qu’il est parfois difficile de l’aborder posément. En choisissant l’angle du conte onirique, Urushibara nous invite doucement à nous plonger, nous aussi, sous les eaux. Le ciel est aussi beau de l’autre côté.



Encore une fois, maxi merci à Joan pour son aide précieuse, ainsi qu'à tous les autres participants qui m'ont offert des lectures passionnantes ♥

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